Christian Bonnaud: J’ai travaillé sur l’imam Khomeiny, sur ses œuvres spirituelles et philosophiques

Interview:Christian Bonnaud est écrivain, traducteur et commentateur du Saint Coran en français. Yahya Alaoui ou Yahya Bonnaud est né dans une famille catholique, en 1957 à Freiburg en Allemagne.

   A cause de la carrière de son père, il a vécu en Allemagne et en Algérie jusqu’à l’âge de 10 ans, puis il s’est déplacé à Strasbourg en France

Bonnaud s’est familiarisé avec les œuvres de René Guénon, philosophe musulman français et sous l’influence de ses œuvres, il s’est converti à l’islam en 1979. Puis il a commencé à faire des études en langue et littérature arabes et sur l’islamologie qui l’a conduit aux écrits d’Henri Corbin sur la gnose chiite.
Avec les orientations d’Amadou Hampâté Bâ, gnostique africain et chef spirituel du tidjanisme, il s’est reconverti au chiisme, adoptant le nom de Yahya.
Yahya Bonnaud a écrit de nombreux ouvrages sur la gnose islamique, la révolution iranienne, l’imam Khomeiny (s) et ses œuvres.

Ce qui suit est une interview qu’il a récemment accordée à l’Agence Internationale de Presse Coranique (IQNA). Nous vous présentons la première partie de cette interview :
IQNA : Quand et comment avez-vous commencé à travailler sur l’islam ?
J’ai commencé mes études sur l’islam il y a 35 ans. J’ai accompli de nombreux travaux, dont le premier  était une thèse sur l’Imam Khomeiny. Ce n’était pas une œuvre sur sa dimension politique, mais une œuvre essentiellement sur ses écrits, sur ses œuvres, ses travaux spirituels et philosophiques. A côté de ce travail, j’ai eu plusieurs publications et livres sur la gnose, la philosophie.
Une traduction du Saint Coran …
La seconde catégorie de travail a commencé par la traduction du Coran en français. C’est un travail qui est encore en train d’être fait parce qu’il est accompagné d’un commentaire non pas au sens propre du terme, mais d’une étude sur toutes les significations des mots et des phrases et les divergences qui existent entre différentes compréhensions et différentes lectures, ce qui exige un immense travail. Un premier volume en a été publié, les préparations du deuxième volume sont en cours et il doit y avoir sept volumes.  Pour plusieurs raisons, je n’ai pas pu travailler pendant un certain temps. J’espère pouvoir reprendre le travail.
On peut y ajouter les articles publiés dans la presse, les émissions de radio, de télévision, beaucoup de conférences. Le Coran et la philosophie islamique sont essentiellement les travaux qui continuent sous forme de livre, sous forme d’enseignement.
Qu’est-ce qu’ont fait les français par exemple Henri Corbin, sur l’islam, le Coran, les œuvres islamiques surtout les œuvres chiites?
Des travaux intéressants ont été écrits en français sur l’islam et le chiisme en particulier. Pour les diviser et traiter seulement ce qui est plus important, on peut dire : il y a deux types de travaux, les travaux que l’on appelle « orientalistes » ou « spécialistes » d’un domaine ou d’un autre de l’islam, par exemple les uns ont écrits sur l’histoire, les autres sur la littérature et autres.  Certains sont très connus comme Louis Massignon qui a écrit des choses très extraordinaires sur le soufisme et sur les soufis.
Des travaux parfois sympathisants, parfois hostile…
Ces gens étaient parfois sympathisants envers l’islam et parfois plutôt hostiles. Et leurs travaux ont des qualités scientifiques diverses. Il y aura beaucoup à dire et on restera dans les généralités, c’est-à-dire les travaux des français ou des francophones, des Belges, Suisses, Canadiens, même des chercheurs d’Afrique du Nord, par exemple Mohammad Arkoun qui a écrit toute son œuvre en français, et qui est connu jusqu’en Iran, parce que ses travaux ont été traduits en Iran.
Des travaux des Algériens d’origine et naturalisés français ; d’autres d’Afrique par exemple ceux du Malien Amadou Hampâté Bâ qui est mon père spirituel et qui représentait l’Afrique traditionnelle à l’UNESCO et qui a écrit toute son œuvre en français et dans d’autres langues que l’arabe.
Ces travaux-là, on peut les classer selon deux critères : soit ils ont écrits par des gens sympathisants envers l’islam, qu’ils soient musulmans ou non, soit par des gens hostiles envers l’islam. Ils peuvent être culturellement musulmans ou non.
Et du point de vue scientifique, quelle est la qualité des œuvres écrites sur l’islam ?
Elles peuvent être excellentes ou non. Ils peuvent être des travaux hostiles à l’islam mais scientifiquement excellents, de très bonnes études historiques. On peut les classer selon ces deux critères. Pour moi, les travaux les plus intéressants sont ceux qui traitent essentiellement de l’islam en tant que doctrine, dans ses aspects philosophiques et spirituels.
Quand on parle de l’islam en français, ça peut être l’Islam en tant que civilisation ou l’islam en tant que religion. Quand on dit « christianisme », c’est seulement la religion, parce qu’en parlant de la civilisation on parlera de la « chrétienté ». Pareillement on peut parler de l’Inde ou de l’hindouisme. Mais quand on dit l’islam c’est aussi bien le monde musulman, la civilisation musulmane, 1400 ans d’histoire, depuis l’Indonésie jusqu’au Maroc, et depuis le Sud jusqu’au Nord, donc c’est immense.
Un islam sous l’aspect spirituel et philosophique …
J’entendrai ici l’islam seulement en tant que religion. Donc sous l’aspect des études religieuses  et en précisant encore l’aspect spirituel et philosophique. On a quelques grands noms, en particulier Corbin que vous avez mentionné, qui est le plus grand, mais d’autres comme Amadou Hampâté Bâ, qui est du Mali et qui a écrit toute son œuvre en français, il est un grand maître spirituel, on en a d’autres.
Islam iranien…
Corbin s’est spécialisé surtout sur l’islam iranien, et il est beaucoup plus connu pour cet aspect, même s’il a d’autres travaux avant, à partir du moment où il a commencé, vers la fin de sa vie, vers cinquante ans, à travailler sur l’islam iranien, il n’a travaillé que sur cela. Il avait travaillé sur d’autres domaines, sur l’ismaïlisme, sur la théologie protestante, mais à partir d’un moment, il n’a travaillé que sur l’islam iranien.
Il a une œuvre incomparable, un livre sur l’islam iranien qui représente en quelque sorte son testament et le résultat de sa vie, avec en même temps, le projet de ce qu’il faudrait faire pour continuer. C’est un peu le bilan de ce à quoi il est arrivé et une analyse de ce qu’il a fait et un projet pour continuer là où il y a du manque de travail et qu’il faudrait qu’il y ait des recherches.
Le Chiisme duodécimain…
Il a écrit quatre volumes sur l’Islam iranien. Le premier volume s’intitule « Le Chiisme duodécimain ». C’est le meilleur livre que je connaisse, écrit jusqu’à présent, pour présenter le chiisme, dans toutes les langues que je connaisse que ce soit en français, en anglais, dans les langues européennes, en allemand, en arabe et même en persan.
Je ne connais pas un livre de présentation, qui présente à la fois le chiisme à des gens qui ne le connaissent pas et les emmène à la fois tout de suite au plus profond du chiisme. Il ne commence pas par ABCD du chiisme, mais il les emmène tout de suite au cœur. C’est vraiment un livre unique actuellement dans toutes les langues que je connaisse, y compris en persan et en arabe.
Suivra…

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